Bah Oury se confie à Africaguinee.com : “La transition sera inévitable…”

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PARIS-Comment sortir la Guinée de la crise politique endémique dans laquelle elle patauge ? Alors que la crise post-électorale née au lendemain de l’élection présidentielle a fait plusieurs victimes, Bah Oury pense qu’une transition est inévitable.


Depuis Paris où il séjourne depuis quelques jours, le président du parti Union des Démocrates pour la Renaissance de la Guinée « UDRG », a répondu aux questions d’Africaguinee.com.

AFRICAGUINEE.COM : Comment observez-vous la crise post-électorale dans laquelle la Guinée est engluée depuis le lendemain de l’élection présidentielle du 18 octobre 2020 ?

BAH OURY : J’avoue que c’est triste ! Ce qui se passe dans notre pays n’est jamais pris au sérieux. Très souvent dès que les dommages concernent la population civile, c’est comme si ce sont des détails périphériques qui ne méritent pas d’être pris en considération.

Depuis très longtemps, nous avions attiré l’attention aussi bien du pouvoir et l’ensemble des forces impliquées dans le jeu politique de notre pays, sur les dangers que nous avions par rapport au schéma qu’Alpha Condé avait mis en place pour obtenir son 3 mandat. Malheureusement on peut dénombrer plus d’une centaine de morts, des dégâts matériels importants, le tissu social qui se fragilise encore davantage.

La cohésion nationale qui est fortement perturbée, sans compter le retard économique et la réédition de ce que nous pensions ne pourra pas se répéter. C’est-à-dire retourner à des luttes pour avoir simplement l’alternance démocratique dans notre pays. Je trouve que c’est triste et c’est dommage. Je m’incline devant la mémoire de tous ceux qui sont tombés dans ces tristes évènements.

En amont de cette crise des communautés ont quitté une région pour une autre pour être en sécurité. Est-ce l’histoire qui se répète

Je crois que ceux qui ont voulu que le jeu politique se passe comme telle, c’est-à-dire en mettant en avant l’exacerbation de la violence, l’exacerbation des contradictions ethniques, la volonté d’être autiste par rapport aux besoins et aux aspirations de la population, ne pouvaient que mener à ces résultats. Donc c’était prévisible. Mais comme vous l’avez constaté, il y a encore des efforts extrêmement importants à faire pour que de manière globale la classe politique guinéenne soit une classe politique responsable, vertueuse et principalement tournée à la satisfaction des intérêts fondamentaux de la population. Par rapport à cela nous avons beaucoup à faire, on est loin du compte au regard du bilan et au regard de ce que nous avons comme tragédie inutile par rapport aux exactions et aux morts que nous avons enregistrés.

Cellou Dalein Diallo, candidat à cette présidentielle s’est déclaré vainqueur du scrutin. Votre réaction ?

Je préfère ne pas trop me prononcer sur les étapes internes de cette élection dite présidentielle. Parce que d’emblée, dès le début j’avais alerté tout le monde sur le fait que tout a été planifié et tout sera mis en œuvre pour qu’en fin de compte qu’il y ait une validation du 3 mandat.

Ceux qui ont pris leurs responsabilités en âme et conscience de participer à cela ne doivent s’en prendre qu’à eux-mêmes. Si tel a été le cas, ça serait moins grave.   Mais malheureusement, toute cette implication est allée au-delà de la compétition politique entre des individus. Cela a pris des proportions qui mettent en danger notre autorité et notre unité. Donc c’est cela que je déplore personnellement, pourtant tout le monde est averti.

Il est empêché de sortir de chez lui par un énorme dispositif sécuritaire. Est-ce normal ?

Je condamne ! Mais ce qui me révolte davantage, ce que tout cela était prévu et nous avions lancé des alertes, nous avions mis en garde beaucoup d’acteurs d’éviter de prendre le chemin tel qu’ils l’ont pris. Parce que si ça ne concernait qu’eux-mêmes on aurait dit que ça leur regarde. Mais à partir du moment où les populations civiles sont impliquées, des hommes et des femmes sont endeuillés, des enfants sont tués et les conséquences pour la collectivité nationale sont désastreuses, je trouve que c’est impardonnable. Mais c’est trop tôt encore d’aller dans le vif du sujet.

Laissons les rancœurs, laissons l’apaisement s’installer au niveau des esprits des uns et des autres, par la suite plus tard on tirera un bilan beaucoup plus exhaustif tant sur le plan politique que sur celui des responsabilités individuelles des uns et des autres.

Une mission tripartite ONU-UA-CEDEAO vient de boucler un séjour de travail en Guinée pour désamorcer la crise. Qu’en dites-vous ?

En tout cas ce qui apparait : la CEDEAO, les NU ou l’UA, ont perdu une certaine crédibilité par rapport à la manière dont la crise guinéenne a été gérée au cours de ces deux dernières années. C’est comme s’il y avait une complicité active de certains acteurs internationaux pour valider le processus qui permettrait à Alpha Condé d’être encore au pouvoir en dépit des violations constitutionnelles des lois de la République de Guinée. Donc, il y avait tacitement de ce point de vue, une complicité j’allais dire active. La CEDEAO n’a pas levé le doigt par rapport aux exactions concernant les violations des droits de l’homme.

Au lendemain du 22 mars 2020 (Double scrutin législatif référendaire, ndlr), le président de la commission à une question d’un journaliste de RFI par rapport aux exactions avait botté en touche en disant qu’il n’était pas informé de ce qui se passait en Guinée. Je trouve cela déplorable et cette attitude s’est confirmée au cours des différents évènements qui ont permis à valider le processus politique officiellement mis en œuvre. Il y’a eu une complicité active pour cela.

L’attitude de la CEDEAO a permis ou a obligé le reste de la communauté internationale, notamment l’union Africaine de par le principe de subsidiarité, la Cedeao ouvre la voie et les autres suivent.

Donc la CEDEAO ayant un parti pris catégoriquement contre les aspirations démocratiques du peuple guinéen, l’Union Africaine n’a pas été en mesure de prendre acte de la violation de l’article 23 de la Charte qui la régit en ce qui concerne la gouvernance , les élections et la démocratie en considérant que le changement utilisé par le pouvoir pour un changement constitutionnel est un coup d’Etat. Ils n’ont pas été en mesure de l’acter officiellement. Donc nous avons vu ce qui s’est passé. De bout en bout, les organisations dites africaines ont été carrément à l’encontre du désir et des aspirations populaires. Les Nations-Unies, n’ont fait que suivre la Cedeao et l’Union Africaine. Heureusement que l’Union Européenne a marqué son refus et a eu une attitude responsable, l’OIF également a marqué une attitude que je considère honorable.

Comment entrevoir aujourd’hui l’avenir de la Guinée au plan politique ?

La transition sera inévitable, la transition est une des données les plus sérieuses dans le contexte de la restauration des principes démocratiques et d’une meilleure gouvernance de la Guinée. Mais une transition bien pensée, concertée qui permet à la société guinéenne dans sa globalité de se remettre en cause et de remettre en cause la manière dont la politique est faite dans ce pays depuis l’indépendance. Il nous faut changer totalement de paradigmes pour envisager une autre façon de faire pour que les guinéens se rassemblent, pour que les guinéens se donnent la main pour l’essentiel, pour la paix, la sécurité, le développement et pour l’unité de ce pays. C’est la dynamique qui nous importe à mettre en œuvre dans la phase actuelle tout en mettant en avant l’indispensable nécessité de faire émerger une communauté de citoyens et non pas des regroupements de communautés ethniques.

Abdoul Gadiri Diallo le président de l’OGDH a tiré sa révérence ce mardi 27 octobre. Que retenez-vous de l’homme ?

Abdoul Gadiri Diallo tout comme feu Thierno Madiou Sow, Elhadj Moumini Sow, d’autres et moi-même avions été parmi de ceux qui ont travaillé à mettre en place une organisation guinéenne pour la défense des Droits de l’Homme. Donc c’est un pionnier de la cause de la démocratie et des droits de l’homme qui disparait aujourd’hui. C’est une grande perte au moment où nous avons besoin de toutes nos forces, énergies et de tous nos hommes et femmes en mesure d’apporter une valeur ajoutée à la question relative aux droits de l’homme et à une meilleure gouvernance de notre pays. C’est une grande perte pour la communauté nationale et régionale.

Entretien réalisé par Diallo Boubacar 1

Pour Africaguinee.com

Tel : (00224) 655 311 112

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