Décidément en Guinée, beaucoup d’obstacles se dressent pour empêcher l’émergence d’un consensus national en faveur d’une transition concertée, apaisée et constructive. Les facteurs explicatifs de ce climat délétère sont variés. Toutefois le comportement grégaire de la classe politique est celle qui, le plus souvent est pointée du doigt. En effet l’ethno-stratégie, la mauvaise gouvernance corollaire logique de pratiques néo-patrimoniales et le recours à tort ou à raison de manifestations de rue sont les traits marquants de l’espace politique guinéen. Ces faiblesses ont pour effet d’accentuer la défiance entre les différents acteurs politiques et sociaux du pays.
C’est dans ce contexte, que les autorités de la transition sont engagées à des négociations décisives avec le nouvel exécutif de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) qui comprend le Président Umaru Cissoko Embalo de la Guinée-Bissau, Président en exercice de l’organisation régionale, et le médiateur M.Thomas Yayi Boni l’ancien Président du Bénin. La durée de la transition cristallise les tiraillements actuels. La CEDEAO a fixé 24 mois comme période maximale admissible par l’Organisation régionale. Les tractations diplomatiques ont déjà débuté dans les coulisses.
Le nouvel exécutif de la CEDEAO bénéficie d’un apriori favorable de la part du CNRD. Les bonnes relations que le Président Bissau-guinéen avait su tisser très tôt avec les tombeurs du Président Alpha Condé y ont fortement contribué. En plus de cela, le départ des précédents dirigeants de l’organisation régionale a ouvert de nouvelles perspectives susceptibles de favoriser un dialogue serein en vue de parvenir à des accords acceptables par les deux parties. En effet la crispation et le raidissement des relations qui avaient prévalu aux lendemains du 05 septembre 2021 étaient dus à la brutalité et au diktat de la CEDEAO, intimant « le retour à l’ordre constitutionnel dans un délai de 6 à 12 mois ». Ce parti-pris, peu ou prou en faveur du système Alpha Condé avait choqué les dirigeants militaires et l’opinion guinéenne. Cet état de fait a plombé les discussions entre Conakry et la CEDEAO jusqu’à la session du sommet extraordinaire des Chefs d’Etat de fin juin 2022.
Le médiateur béninois Thomas Boni-Yayi, dans ce contexte de décrispation a ainsi les coudées franches pour mener les pourparlers. Les autorités de la transition guinéenne doivent à cet égard veiller à trouver un consensus positif avec l’émissaire des Chefs d’Etat ouest-africains. En effet, la Guinée a nécessairement besoin de l’appui de la communauté internationale pour mener à terme les tâches dévolues à la transition dans le cadre des 10 étapes du chronogramme décliné par le CNRD. Pour ce faire, un accord avec la CEDEAO est indispensable à cause du principe de subsidiarité liant l’organisation régionale, à l’Union Africaine et aux Nations Unies.
A l’épreuve du pouvoir, les défis qui pavent le chemin du CNRD sont nombreux. Le front social est marqué par une demande forte et ancienne consécutive à la pandémie du covid19, à l’héritage calamiteux du régime d’Alpha Condé, aux lenteurs et aux blocages de l’administration publique rétive aux changements proclamés. En dépit de cela, il est impérieux pour les autorités de la transition guinéenne d’être proactives sur l’opérationnalisation du cadre de dialogue ou de concertation, d’assurer la remise et la publication du rapport final des Assises Nationales, et enfin de veiller à la bonne fin des actions judiciaires relatives aux crimes économiques et de sang.
La Guinée est à la croisée des chemins. C’est par la concertation inclusive et responsable que le bon cap sera maintenu. Les vacarmes, les manifestations de rue dans ce contexte si fragile, risquent de ramener la Guinée à ses vieux démons. Nous devons avancer pour le bien de notre pays !